Alex Caizergues: vers un record avec Syroco, un objectif qui va au-delà de l'exploit sportif

On entendra sûrement reparler de ce projet ! Mais pas avant fin 2023. La FFVL vous en livre quelques secrets en primeur.

Alex a toujours été un ambassadeur du kite et de la FFVL connu pour ses records de vitesse. Mais il n’a pas fini de nous étonner et sa volonté de repousser les limites a fait naître un projet qui ne peut que séduire tous les amateurs de glisse que nous sommes. Il y a dans nos ailes une énergie prodigieuse ! Et l’inventivité est aussi source de nouvelles libertés, surtout quand elle est mise au service de projets qui permettent à notre planète de mieux respirer.

D'abord une petite vidéo pour se faire une idée

Comment a germé l'idée de Syroco? 

Après une belle carrière de sportif de haut niveau, un palmarès de records plutôt sympa (2 fois recordman du monde de vitesse à la voile, 4 fois champion du monde de vitesse en kitesurf, détenteur actuel du record absolu en kitesurf à 107,36 km/h), je me demandais comment donner du sens à tout cela, comment mettre mes compétences au service d’un projet vertueux pour la planète. Dans le sport, on innove beaucoup mais on se préoccupe rarement des applications de ces innovations au-delà de sa discipline. 

J’ai eu la chance de rencontrer des entrepreneurs du numérique, des “startupers”, qui m’ont aidé à cristalliser un « business model » qui ait du sens. Chez Syroco nous nous fixons des challenges extrêmes, qu’on appelle des « moonshots », qui obligent nos équipes à sortir de leur zone de confort, à inventer de nouvelles approches et de nouvelles technologies. Puis on identifie, parmi ces innovations, celles qui ont un potentiel industriel, à la fois en termes d’impact mais aussi de viabilité business. 

Et notre premier moonshot, dans la lignée de ma carrière de kitesurf de vitesse, c’est de développer un speedcraft qui va pulvériser le record absolu de vitesse sur l’eau, propulsé par le vent. Le record est aujourd’hui à 121 km/h (Paul Larsen sur SailRocket en 2012), nous visons 150 km/h, ou 80 nœuds !

En gros quelles sont les différentes composantes fondamentales pour le fonctionnement du speedcraft de Syroco ?

Nous avons choisi d’implémenter un concept jamais testé jusqu’à présent, celui de l’aile d’eau. Le speedcraft est composé d’une nacelle qui accueille les pilotes, tendue entre 2 forces opposées: la force de propulsion qui est celle d’une aile de kite géante (entre 30 et 50 m2), et une force anti-dérive venant d’un foil inversé, qui retient le speedcraft à l’eau. La capsule vole à 1 mètre au dessus de la surface de l’eau. Ce concept permet d’obtenir une efficacité jamais atteinte à ce jour: nous visons 80 noeuds de vitesse moyenne dans environ 30 noeuds de vent. 

Le concept en image

si on comprend bien les images, le pilotage se ferait plutôt assis dans un habitacle léger, une capsule, cela change beaucoup du pilotage debout ? On peut vraiment diriger et choisir la trajectoire ? 

Oui ça change pas mal de choses! Surtout en termes de manipulation de l’aile. Notre équipe de chercheurs et ingénieurs a conçu un dispositif électromécanique qui permet de reproduire les mouvements que je fais avec ma barre de kite. Et j’avoue que le résultat est impressionnant. A ce stade, on travaille avec un prototype radio-commandé et on arrive à piloter le kite à distance avec un joystick (l’engin final, que je piloterai, est encore en phase de design). De la même manière, le pilotage du foil se fait aussi via une radio-commande au stade du prototype. En combinant les deux (kite et foil), on maîtrise plutôt pas mal la trajectoire. 

Dans quelle mesure la recherche de performance peut-elle aider à trouver des solutions écoresponsables ?

C’est justement l’objet de Syroco: appliquer la recherche autour du record de vitesse à la transition énergétique du transport maritime. Nous avons dû développer des algorithmes de calcul pour déterminer les meilleures options pour notre speedcraft, afin de tirer le meilleur parti de la puissance du vent. Ces algorithmes, nous en avons fait une plateforme de simulation basée sur un jumeau numérique, qui fonctionne pour tout type de navire - petit ou très gros, avec voiles ou sans voiles… Les lois de la physique sont en fait les mêmes, et nous arrivons à modéliser et simuler précisément le comportement du navire et son efficacité selon les conditions météo, de mer… et donc de calculer les économies de carburant et les émissions de gaz à effet de serre. 

Des cargos sur foils, c'est possible ? Comment transposer aux bateaux plus lourds et passer du prototype à des applications répondant aux besoins de la navigation marchande ? 

Des cargos qui volent, non. Mais utiliser des foils pour changer l’assiette du navire et réduire les frottements de l’eau, oui, on travaille d’ailleurs sur des dossiers dans ce domaine. Mais il y a beaucoup de choses qu’on peut faire pour optimiser l'utilisation d’un bateau: changer la route, adapter la vitesse, optimiser l’angle de barre, modifier les ballasts, et aussi bien sûr équiper le navire de voiles, d’ailes de kite… pas comme mode de propulsion principal, mais comme auxiliaire, qui peut réduire de 20% par exemple la consommation. A l’échelle du transport maritime, c’est énorme. 

 

Merci Alex et tous nos voeux de réussite !


 

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