2005 - Rééduc’en Ciel combat le handicap !

Les combats de cerfs-volants sont pratiqués dans le monde par des millions de pilotes de toutes nationalités qui s’affrontent lors de réunions et de compétitions amicales régies par des règles chevaleresques et fraternelles. À Palavas-les-Flots, des enfants handicapés vont apprendre à construire et à faire voler des Combattants !

Ce projet, baptisé Rééduc’en Ciel, n’a pas qu’un caractère ludique. L’équipe médicale et éducatrice (ergothérapeutes, psychologues, éducateurs…) de l’institut Saint-Pierre de Palavas-les-Flots, un centre de rééducation fonctionnelle pour enfants, y voit un support technique adapté, utilisable à des fins thérapeutiques et éducatives. L’enfant sera intégré à une démarche créative, puis sera acteur dans une action collective et compétitive qui développera sa motivation (persévérance, pugnacité, combativité, relation à l’autre). La confrontation à travers l’objet et la compétition acceptée (règles et chevalerie du combat) constituera des appuis vers le dépassement de soi.

Si Rééduc’en Ciel peut aider l’enfant à assumer son handicap, il peut aussi lui apporter l’évasion et le rêve par la découverte d’une nouvelle dimension – le vol ! – et le dépassement virtuel de son propre handicap.

Le support

Les combats se pratiquent avec des petits cerfs-volants de papier et de bambou, dits « indonésiens », manipulés à l’aide d’un fil coupant appelé Manjha. Le pilotage s’effectue par la tension et le relâchement du fil, avec une gestuelle relevant de l’adresse et de la vivacité plutôt que de la force physique.
Les affrontements ont lieu sous forme de duels entre deux pilotes ou plus (jusqu’à deux cent mille simultanément, à Améhdabad, en Inde !). Le pilote le plus adroit et rapide coupe le fil de son adversaire. Ces joutes se poursuivent jusqu’à extinction des munitions : les cerfs-volants. Ces derniers, sont récupérés pour un autre combat ou abandonnés à la nature qui les digèrera sans peine puisqu’ils sont biodégradables.
En Inde, ces joutes se déroulent traditionnellement sur les toits en terrasse. Elles peuvent donc se réaliser dans un environnement urbain, en milieu aérologique perturbé et sur des espaces restreints (squares, terrains de sport, cours…).
La discipline du combat ne nécessite pas de mobilité particulière. Le pilote peut être parfaitement statique au niveau inférieur (toujours en Inde, l’exiguïté des sites ne permettant pas les déplacements des compétiteurs sur les toits des immeubles et des maisons).
La pratique du cerf-volant de combat, régie par des règles précises de non-agressivité entre les pilotes, permet de canaliser vers l’objet les pulsions et les ressentiments. De bonnes relations s’établissent alors entre les pilotes, favorisées par l’aspect ludique et compétitif de la pratique.

Les étapes

La découverte…
En s’appuyant sur des supports vidéos, la première étape consiste à sensibiliser les enfants aux différentes pratiques du combat de cerfs-volants en Asie. Cette étape descriptive est immédiatement suivie par une séance de vol et une confrontation avec l’objet. L’objectif est de maintenir en vol le cerf-volant et de sentir, à travers les vibrations du fil, l’action du vent, bref, de découvrir les sensations du vol.

La construction…
La construction d’un cerf-volant de combat comporte un ensemble d’étapes avec plusieurs niveaux de difficultés : tracé et découpe du gabarit ; découpe de la peau en papier de soie ; découpe du bambou et calibrage de la traverse et du longeron ; ligatures des membrures et fixation du nerf de chute sur le périmètre du cerf-volant ; collage de la voile ; pose du bridage ; enroulement du fil de retenue et de pilotage sur le dévidoir. Ce travail manuel nécessite des gestes précis. La construction est une démarche exigeante sanctionnée par le vol ou non de l’objet. Il convient, bien sûr, d’adapter les méthodes au handicap des enfants et de leur apporter l’aide ponctuelle nécessaire.

La décoration…
Plusieurs méthodes peuvent être employées. Travail à l’encre et au pinceau, gouache, marqueurs, pastels. Il convient, ici aussi, d’adapter les méthodes aux handicaps. Nous avons imaginé la réalisation de pochoirs sur des thèmes choisis par les enfants (logo, sigle, calligraphie, armoirie…). Le choix des couleurs, les formes simples peuvent aussi être obtenues par des aplats collés. Cette étape de personnalisation est importante. L’éloignement en vol des cerfs-volants exige de choisir un graphisme qui permette au pilote de s’identifier et de se situer facilement dans l’espace, au milieu des autres combattants.

La maîtrise du vol…
Elle ne se fait pas d’un coup, mais progressivement. Selon le handicap du pilote, il est possible de rendre le cerf-volant moins vif, plus stable, en lui ajoutant une queue. Les gestes de mise en vol, d’ascension à l’altitude de combat (entre cinquante et cent mètres) et de retour du cerf-volant sont alors simplifiés et l’enfant peut se concentrer sur le déplacement vertical du cerf-volant. Progressivement la queue stabilisatrice est raccourcie, puis supprimée. Lorsque le pilote est parvenu à maîtriser les déplacements latéraux du cerf-volant, la gestuelle d’attaque, d’esquive et de coupure s’acquiert.

Le retour…
Quand le pilote contrôle bien la mise en route et le vol de son Combattant, il apprend à en gérer le retour et le stockage. Étape délicate, qui sera facilitée par le choix possible entre plusieurs façons d’enrouler le fil : bracelets, bobines, sac, panier… en fonction du handicap du pilote.

La compétition…
Le travail en binôme et les rudiments de la compétition sont alors abordés. L’apprentissage des règles du combat et des comportements des pilotes peut s’organiser autour de joutes et de vols d’entraînement ne nécessitant plus l’intervention de l’animateur. Son rôle consiste maintenant à évaluer, corriger et accompagner la progression de chaque enfant. La constitution d’un jury peut permettre aux enfants plus limités physiquement d’être impliqués directement dans le projet. L’organisation d’une compétition est alors envisageable, entre enfants d’une même école ou entre différentes écoles.